NPInfo : Michel Thooris, vos listes France Police ont été validées par l’administration, vous serez donc bien candidat aux prochaines élections professionnelles au sein du ministère de l’Intérieur en décembre 2014, votre sentiment ?
Je suis engagé syndicalement depuis plus d’une décennie. Aux élections professionnelles 2003, j’ai fait campagne pour le SNPT. Suite à l’implosion du SNPT, j’ai conduit en 2006 la liste Action Police et nous avons obtenu plus d’un millier de voix. Au lendemain du scrutin, Action Police a été dissous de fait par la CFTC avec la complicité du pouvoir politique en place à l’époque. Nous avons été contraints de poursuivre notre combat syndical au sein d’une nouvelle structure, France Police à la tête de laquelle j’ai été élu secrétaire général en 2009. L’administration a rejeté notre candidature aux élections professionnelles 2010 arguant du fait que nous n’étions pas représentatifs. Vous apprécierez le caractère démocratique des élections syndicales. Grâce aux accords de Bercy signés en 2008 mais appliqués pour la première fois aux scrutins prévus cette année du 1er au 4 décembre 2014, nous pouvons enfin nous présenter après huit longues années de traversée du désert. Cette candidature est à la fois l’aboutissement d’une décennie de combats et à la fois le début d’un nouveau challenge ; celui de faire enfin appliquer nos revendications dans la police nationale.
Quelle est votre différence par rapport aux autres syndicats présents à ce scrutin ?
Nous sommes le seul syndicat non affilié à union, à une fédération ou à une confédération. France Police est l’unique syndicat corporatiste qui défend exclusivement les intérêts des policiers nationaux.
Le syndicat Action Police était classé à l’extrême droite. Vous aviez notamment fait campagne en 2006 contre les salles de prières dans les écoles de police. France Police est-il lui aussi un syndicat d’extrême droite ?
Le classement à l’extrême droite d’Action Police était tout à fait infondé et ne reposait sur rien de factuel mais dès que vous dites que vous êtes patriotes, que vous aimez la France et que vous dénoncez l’Islam radical, on vous traite immédiatement de fasciste.
Le ministère de l’Intérieur a récemment commandé aux services de renseignements un recensement des possibles cas de radicalisation au sein de notre institution, comme quoi nos inquiétudes étaient bien fondées et notre combat pour la laïcité au sein de la fonction publique parfaitement légitime.
France Police est totalement apolitique, indépendant et autonome. Nous ne défendons pas un projet politique mais un projet syndical pour améliorer les conditions de vie et de travail des policiers et rendre la police nationale plus efficiente au service de la population.
Parce qu’un parti politique ne peut être corporatiste car il a vocation à défendre les intérêts de la nation et non ceux d’une catégorie particulière de travailleurs, un syndicat, s’il veut garder sa liberté de défendre une catégorie particulière de travailleurs doit rester apolitique. C’est la philosophie de France Police même si notre organisation garantie à chaque membre une totale liberté d’opinion politique lorsqu’il ne s’exprime pas dans le cadre de sa pratique syndicale.
La FPIP est généralement elle aussi classée à l’extrême droite, comment vous positionnez-vous par rapport à cette organisation ?
France Police est aux antipodes du syndicalisme pratiqué par la FPIP. Cette fédération n’est absolument pas corporatiste, elle amalgame policiers nationaux et municipaux. Or, il n’existe pas de convergence entre les intérêts des policiers nationaux qui œuvrent au sein de la fonction publique d’État et les intérêts des policiers municipaux qui dépendent de la fonction publique territoriale. Ensuite, la FPIP adhère à Eurocop une sorte d’Union européenne du syndicalisme qui relaye la politique européiste mortifère de Bruxelles. Enfin, la FPIP n’a pas de projet et s’est totalement décrédibilisée en soutenant Sarkozy alors qu’il était ministre de l’Intérieur. Nous mettons la FPIP dans le même sac que nos autres adversaires. Cette fédération existe depuis les années 1970, à quoi a-t-elle servi depuis quarante ans si ce n’est à capter de l’argent public et à permettre à ses dirigeants de bénéficier d’exemptions syndicales ?
Et comment jugez-vous vos autres adversaires à ces élections ?
Alliance Police nationale, c’est l’antenne de l’UMP dans la police nationale. Alors pour les groupies de Sarkozy, c’est un excellent choix syndicalo-politique. Alliance, c’est le syndicat de la réforme des corps et carrières de 2004. Cette « réforme » lui a permis de distribuer des plats de lentilles, comprenez de l’avancement, contre timbres syndicaux sonnant et trébuchant. Il porte la responsabilité de la saturation actuelle du système d’avancements. Désormais, grâce à eux, quinze ans minimum d’attente pour être nommé brigadier ! Pas mieux pour l’accès au grade de brigadier-chef et quant au grade de major mieux vaut être multi-cartes ; un timbre dans chaque syndicat et avoir foi dans le piston.
Côté Unité Police SGP FO, c’est le S qui manque à la fin du sigle de l’UMP. C’est le syndicat maison du gouvernement socialiste en place. Il sert à accompagner tous les reculs imposés par le pouvoir en place et à valider l’affaiblissement de notre institution face à ceux qui mettent la France à feu et à sang. Port du matricule, incitation à déposer plainte contre la police grâce à la saisine en ligne de la police des polices, retrait des grenades pour les maintiens de l’ordre et la liste n’est pas exhaustive. Il faut toutefois reconnaître aux dirigeants d’Unité Police SGP FO une force que les autres n’ont pas, c’est la force de leurs poignets. Arriver à signer autant d’accords en si peu de temps avec l’administration sans jamais se faire mal au poignet, ça force le respect.
Enfin, il reste l’UNSA Police qui a rallié les laissés pour compte d’Unité Police SGP FO. C’est un syndicat également proche du pouvoir socialiste en place dont la maison mère est majoritairement implantée dans l’éducation nationale. Quelle est la convergence entre les intérêts des enseignants et ceux des policiers nationaux ? Eux seuls le savent.
Globalement, les voix se partageront entre France Police, Unité Police SGP FO, Alliance Police nationale et UNSA Police, les autres syndicats ultra-minoritaires ne capteront que quelques centaines de voix.
Comment France Police se positionne sur l’échiquier syndical ? Progressiste ? Réformateur ?
Que la sémantique syndicale est belle mais que ce qu’elle cache est laid !
Progressiste ? Qui peut être contre le progrès ? Sauf que derrière le mot progressiste, il n’y a point de progrès mais l’accompagnement de la politique social-démocrate imposée par l’Union européenne et relayée par l’UMPS sur le plan politique et par les confédérations sur le plan syndical. Alors non, nous ne sommes pas progressistes.
Réformateur ? Lorsque ça ne va pas, que doit-on faire ? Des reformes. Sauf que dans le jargon syndical, le mot réforme ne signifie pas réformer sur la base de propositions faites par et pour les travailleurs mais d’accompagner les réformes voulues par le pouvoir politique en place. Alors non, nous ne sommes pas un syndicat réformateur.
Nous sommes un syndicat contestataire, corporatiste et revendicatif. Nous refuserons d’accompagner les réformes social-démocrates. Nous défendons les intérêts des policiers nationaux et exclusivement des policiers nationaux. Nous essayons de faire appliquer nos revendications, pas celles de l’administration.
Des manifestations de policiers s’organisent en ce moment, comment analysez-vous ces mouvements sociaux ?
Il ne s’agit pas d’un mouvement social mais de propagande électorale. Ça fait quinze ans que je suis dans la police, avant chaque élection professionnelle, c’est immuable, les syndicats sont systématiquement dans la rue avec leurs adhérents vent debout contre toutes les réformes qu’ils ont accompagné au cours de la mandature écoulée. C’est juste prendre les collègues pour des cons, le pire c’est que ça marche à chaque fois.
Pensez-vous sincèrement que le syndicalisme peut apporter quelque chose aux travailleurs ?
Tout dépend de quel syndicalisme on parle ? Je crois profondément que le syndicalisme contestataire, autonome, indépendant, corporatiste et revendicatif peut protéger le travail et les travailleurs.
Ce sont les grandes centrales syndicales qui ont tué le syndicalisme. CGT, CFDT, FO, CFE CGC et CFTC, ces organisations sont aux travailleurs ce que le Medef est à l’entreprise ; des outils au service du système qui pour les unes écrasent les salariés, qui pour l’autre écrase les PME / PMI avec un asservissement total aux puissances du CAC 40 et à la politique de madame Merkel.
L’objectif est simple ; tendre le marché du travail en faisant augmenter le chômage par l’immigration et les délocalisations combiné à une baisse des aides accordées aux chômeurs. On nous expliquera ensuite qu’on est obligé de réformer le code du travail et accepter de travailler plus pour gagner moins. A défaut, les chômeurs passeront de la précarité à l’extrême pauvreté. Et les confédérations syndicales jouent parfaitement leur rôle dans ce système en muselant le syndicalisme corporatiste et revendicatif, en accompagnant la politique de Bruxelles et, au besoin, en écrasant le syndicalisme de combat, j’en veux pour preuve les Conti.
Le scandale de la caisse noire de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), organisation proche de la CFTC, a démontré que les grandes centrales syndicales sont achetées à coup de millions d’euros par le patronat. Où va l’argent des syndicats ? L’affaire de la rénovation de l’appartement du patron de la CGT, Thierry Lepaon, aux frais de la princesse démontre que les syndicats ne défendent pas les intérêts des travailleurs mais bien leurs intérêts personnels.
Je pense que l’avenir du syndicalisme, s’il lui en reste un, est dans une ligne à la fois militante, contestataire, corporatiste, autonome, indépendante et revendicative.